Vendredi 14 décembre – après-midi – Les terres contaminées
Photo : Zone dévastée par le tsunami et contaminée.
ODAKA, à 15 km de Fukushima (zone 2 : sup à 20mSv)
Cette région a été envahie par les vagues du tsunami jusqu’à 2,5 km à l’intérieur des terres.
Le spectacle est désolant : des épaves de voiture, des déchets, des gravats et certaines maisons encore debout… comme si l’on avait arrêté de déblayer à un moment donné… sans doute lorsqu’on a réalisé que la population ne pourra plus vivre là pour l’instant, non pas à cause des dégâts causés par les gigantesques vagues, qui ont été à l’origine de milliers de morts, mais à cause de la radioactivité qui souille le sol (3 microsievert à cet endroit).
Ces terres produisaient des légumes bios et étaient le jardin maraîcher de Tokyo.
Les conséquences du nucléaire sont IRRÉVERSIBLES et la radioactivité a quelque chose de diabolique de par sa nature : invisible, inodore, mais mortelle à petit feu…
Au bout d’une route barrée, de nombreux panneaux expriment la révolte des citoyens. Il est interdit d’aller plus loin. Cependant , l’on voit des vaches dans le pré voisin. Leur propriétaire a refusé de les abattre et a apposé sur le clôture ces mots « Arrêtez le crime ! » (9 microsievert).
A différents endroits, la couche supérieure des champs a été enlevée et mise dans des sacs en plastique bleus et noirs (selon l’entreprise !) qui sont entassés… Qu’en faire ? Après l’accident, certains départements plus éloignés ont « racheté » ces déchets par solidarité ! Qu’en ont-ils fait ? Personne ne peut répondre à cette question.
Il est plus facile de décontaminer le béton et les maisons en les aspergeant d’eau. Mais tout l’environnement reste radioactif.
En 2011, le gouvernement a interdit de cultiver/vendre le riz, les oranges, les champignons sauvages.
En 2012, on a ajouté à la liste les choux, des blueberries (baies bleues).
Maintenant, les maraîchers mesurent eux-même la radioactivité de leurs légumes, grâce au CMRS (Citizen’s Radioactive Measuring Station). Les becquerels varient d’un moment à l’autre ex : 800 beq une semaine, 1000 la suivante).
Selon les scientifiques, la corrélation entre la pollution de la terre et celle du riz n’est pas établie. La qualité de l’eau est également décisive.
70% des terres de cette région sont polluées.
Le gouvernement a demandé à un sous-traitant de Fuji Electric de baisser le taux de radioactivité qu’indique le radex. Leur patron a non seulement refusé d’appliquer cette demande, mais il en a informé la presse et les ONG.
Minami-Souma
Nous rencontrons un prêtre très engagé qui est venu s’installer dans cette paroisse en mai 2011, par choix personnel. Il nous parle du traumatisme qu’ont subi les villageois, de leur crainte d’en parler.
Des volontaires d’autres départements sont venus pour les aider, mais la communication est très difficile. Certains d’entre eux ont été relogés dans des bungalows installés sur des parkings goudronnés. Ils étaient censés y être hébergés pendant 2 ans au départ, mais ce délai a été prolongé d’un an. D’autres logements seront-ils alors prêts pour eux ?? Les personnes âgées , qui ont dû quitter leurs terres développent des maladies, principalement des agriculteurs et des ouvriers, sont inactives, tombent malades et le nombre de décès a augmenté.
On a nettoyé la cour de l’école et emporté les sacs de terre à l’extérieur de la commune. Le Ministre de l’Education a augmenté la tolérance de la radioactivité jusqu’à 20 mSv et dégage toute responsabilité pour la radioactivité (80 mSv) des terrains adjacents. Les enfants sont maintenant autorisés à jouer 30 min dehors par jour, alors qu’avant, ils étaient confinés dans la classe. Ils ne sont plus que 20 élèves sur 80. Je ne peux m’empêcher de penser aux conséquences de leur confinement sur leur santé, mais aussi sur leur équilibre psychique et celui de leurs parents. Le prêtre parle d’un vrai phénomène de « NIMBY children ».
OGUNI (en zone 1 (inf à 20 mSv)
Nous sommes reçus par un agriculteur du village.
Il nous explique, qu’avant le 11mars 2011, Oguni était un village tranquille, où les gens aimaient se retrouver. On a laissé aux gens le choix de partir ou de rester. S’ils reviennent volontairement, ils n’ont pas de possibilité de recours en cas de problème ! C’est une stratégie intéressante pour le gouvernement.
Certains installés dans une ville voisine s’organisent pour emmener les enfants à l’école de leur village. La contamination de la cour est très élevée et est interdite aux élèves.
Une loi récente stipule qu’il faut aller voir le médecin 2 fois par an si la radioactivité est supérieure à 20 mSv. Mais le département ne met rien en place. Ce problème de santé est très sensible. Un responsable des Amis de la Terre Autriche devait se rendre dans un jardin d’enfants où les enfants doivent porter un masque et un dosimètre, mais quand il est arrivé, il n’y avait personne !! Qui a demandé de retirer les enfants avant son passage ??